Un 45ème souffle…

Amis lecteurs, après un long silence qui n’était pas pour autant un signe de repos, me revoici aujourd’hui avec ces trois premières pages de ¨Sous le voile de Meryem¨…

Il y a deux raisons à cela.

La première c’est que la ¨Terre Sainte¨ – qui n’est pas nommée ainsi sans raison profonde – y est évoquée dans toute sa pureté alors qu’on la sait tellement souillée aujourd’hui.

La seconde, c’est que sommes à trois jours de la sortie d’imprimerie de ce livre qui, je l’espère, fera sa part dans le subtil des consciences. Il s’agit de mon 45ème.

Alors voici… C’est bien sûr Meryem, encore toute petite fille, qui s’exprime.

¨C’est un vent solaire qui m’a fait venir en ce monde. Une poussée de Lumière aux éclats de Lune, un Souffle indif-férencié… Je L’ai suivi ou Il m’a investie, je ne saurais le dire puisque tout est dans Tout.

Mes tout premiers souvenirs dans ce corps de femme, que j’ai néanmoins revêtu entre bonheur et douleur, remontent à l’âge de deux ou trois ans. Le bonheur du Service au Vivant, la douleur des cicatrices déjà perçues de ce qui allait faire ma vie.

Des âpres collines de Judée aux douces rondeurs de la Galilée puis des rives du lac de Kinnereth jusqu’à Jérusalem, combien de fois en ce temps-là n’ai-je pas parcouru les sentiers de cette terre sans âge qu’était la Palestine ? Passant des bras de mes parents aux paniers des flancs d’un mulet, je regardais les paysages défiler. Je ne comprenais pas les lignes instables de l’horizon…

Là où nous nous arrêtions, là où nous vivions une saison ou deux, ce n’était jamais chez nous. Ou alors, « chez nous », c’était partout car cet homme à la longue barbe portant le nom de Yohachim et que je savais être mon père était en tout lieu attendu et respecté. Quant à ma mère, je ne me souviens que de ses yeux et du grand voile noir dont elle m’essuyait

le front. Elle s’appelait Hannah et semblait également fort respectée. Mais qu’est-ce que le respect pour une toute petite fille qui contemple le monde avec le regard encore imprégné d’un autre univers ? Plutôt que la marque d’une sorte de mérite ou de privilège aux origines inconnues, c’était la reconnaissance d’une lumière qui s’imposait d’elle-même. Et, de fait, mes parents n’étaient pas de simples parents mais Yohachim et Hannah que chacun, apparemment, ne pouvait que connaître.

Peut-être avais-je cinq ans lorsque j’en ai compris la raison sous la forme de ce qui fut pour moi une révélation… Mon père était prêtre à Jérusalem. Il me répétait souvent y avoir une charge sans que je comprenne tout à fait ce que cela signifiait. Je voyais seulement qu’il en était fier et que c’était pour cela que nous voyagions beaucoup puisque ailleurs on lui demandait aussi de faire des gestes et de réciter des prières. Des prières… J’ai toujours su à quoi cela servait et ce que cela racontait… un peu comme les étoiles qui brillaient la nuit dans le ciel, avec lesquelles je parlais et qui me répondaient par leurs mots à elles.

Et puis, un jour, nous avons cessé de parcourir les chemins. Mon père possédait une petite maison près des murs, à Jérusalem. Au lieu de ne faire qu’y passer, nous nous y sommes installés.

– « Sais-tu, Meryem ? C’est ici que tu es née. »

Une autre révélation… À vrai dire, je ne m’étais jamais questionnée sur ma naissance. Dans ma tête et dans mon cœur, j’avais toujours existé et je regardais mes parents comme s’ils m’avaient été prêtés pour un moment. Ils étaient d’abord Yohachim et Hannah et ils faisaient semblant de croire que j’étais leur enfant.

Ainsi, étais-je devenue Meryem dans « la maison près des murs », tel un oiseau que le vent aurait poussé à se poser sur le sol pour lui faire comprendre qu’il pouvait également marcher dans la poussière. Et des pas, je me souviens, j’en ai accompli beaucoup dans les ruelles tortueuses de Jérusalem, des pas entre les étals des marchands mais aussi des pas intérieurs. C’est là que je me suis enfin décidée à me réveiller…¨

© Daniel Meurois. Extrait de ¨Sous le voile de Meryem¨, aux Éditions Le Passe-Monde.

Illustration d’origine non identifiée.